Genèse du trophée Prix AFC, par Stéphan Massis, AFC
Chambre 1163, hôpital de Bry-sur-Marne : Pierre-William Glenn tient entre ses mains un petit Caméflex de bronze. L’image est triste et belle aussi… C’est Gilles Porte qui nous la raconte le lendemain de la première édition des Prix AFC. Il s’est rendu au chevet de Pierre-William pour lui montrer le trophée de ce nouveau Prix AFC, association dont il était un des membres fondateurs, en 1990. Ce petit objet entre les mains fatiguées de Pierre-William illustre une émouvante passation de témoin entre les créateurs de notre association et nous-mêmes, qui avons à cœur de rendre l’AFC bien active et vivante.
34 ans après sa naissance, l’AFC a donc enfin son trophée pour honorer la photographie, l’image qui fait sens, l’image actrice. Un prix remis à un(e ) directeur(trice) de la photographie par ses pairs, par d’autres directeurs(trices) de la photographie. Cela existe dans beaucoup d’autres associations (Angleterre, Etats-Unis, etc.) mais pas en France.
Un groupe de travail a été créé par Romain Lacourbas, qui est à l’origine de ce projet. Nous étions une quinzaine afin de mettre en place l’infrastructure et l’organisation nécessaires pour faire exister cette distinction qui nous manquait.
Pour ma part, j’ai participé à l’élaboration de l’objet trophée. Contribution modeste mais passionnante, dont je me propose de vous faire le récit.
Il y avait déjà eu une tentative de créer un AFC Award il y a une dizaine d’années de cela. L’embryon s’appelait "Prix Caméflex AFC", un trophée avait même été créé pour l’occasion. Mais l’expérience avait tourné court.
De cette première tentative il restait une idée qui tenait toujours à cœur aux plus anciens d’entre nous : que le trophée rende hommage au Caméflex, la mythique caméra dessinée en 1947 par André Coutant pour Éclair. Récompensée par un Oscar technique en 1950, caméra fétiche de la Nouvelle Vague, cette caméra a longtemps été un symbole de l’excellence du cinéma français de cette époque.
Grâce à Jean-Marie Dreujou qui a ressorti une de ses vieilles caméras 35 mm, Myriam Chataignère, sculptrice, avait donc cette référence très forte comme "mood" à respecter…
Le symbole est évident, mais l’objet ne se laisse pas facilement croquer tant l’aspect de cette caméra avec sa tourelle à trois objectifs est anthropomorphique. Ce n’est pas simple de la styliser ou de l’épurer et le côté "masque à gaz" de la face est difficile à gommer…
Alors il faut en jouer car malgré cette difficulté Myriam est convaincue du bien-fondé du cahier des charges que nous lui imposons. Pour elle aussi, il est important qu’une caméra soit le symbole de notre trophée : « C’est l’invention d’une technique et de l’objet caméra qui a créé l’art cinématographique, contrairement à la littérature, la peinture, la sculpture qui sont les prolongations d’un geste humain… », dit-elle.
Myriam ressent très vite le besoin d’ajouter un élément humain à cette caméra. Ce pourrait être une main, un œil…
Deux images se sont progressivement imposées à elle : ce très beau portrait réalisé par Jean-Marc Lubrano d’un facétieux Jean Rochefort derrière une caméra qui rend hommage à Méliès. Et ce film tourné il y a pile un an par Gilles Porte, où l’on voit Pierre-William Glenn dessiner un Caméflex.
Voir PWG dessiner d’une main tremblante mais pourtant sûre cette caméra est très émouvant. La beauté, la force, et la fragilité réunies… Le regard toujours vif et curieux…
Lien vers l’article de Gilles Porte donnant accès à son film : Pierre-William Glenn dessine une caméra pour le Micro Salon 2023
Après un certain nombre d’ébauches, l’objet est enfin apparu sous les mains de Myriam. La sculpture représente la caméra, l’outil, l’instrument ; et donc un œil : la vision, le regard, l’âme du cinéaste.
Nous avons confié le plâtre à Luc Harzé, un fondeur belge (hélas, aucune fonderie française n’a semblé être intéressée par notre projet…) pour qu’il réalise les tirages en bronze. Ce n’est que la veille de notre soirée de remise de prix que sept statuettes en bronze sont sorties de la fonderie, juste à temps pour récompenser nos lauréats. L’urgence fut telle que lors de la fabrication du moule, l’œil s’était détaché du plâtre. Le fondeur n’avait pas eu le temps de vérifier que l’alignement corresponde au travail de Myriam, et l’avait replacé en donnant un petit angle à ce regard… Serait-ce un hommage involontaire à Pierre-William Glenn ? De fait le regard de ce trophée est un peu triste…
L’année prochaine cette "erreur" sera corrigée, ce qui donne encore un caractère unique à ces premiers trophées !
Entre la création du groupe de travail autour de ce Prix AFC et l’édition 2024 de notre Micro Salon, dix mois se sont écoulés, ce qui est peu vu le travail considérable que cela a représenté. On a pu mesurer chacun de notre côté la force du groupe, et c’est à l’occasion de ce genre de mission que le terme association prend tout son sens.
Cette première édition a été un succès. Et nous avons bon espoir de renouveler cette expérience et que notre Prix AFC devienne l’emblème d’une photographie remarquable.
Longue vie aux Prix AFC et encore bravo à ceux qui les ont remportés et qui resteront à jamais les premiers, en attendant que d’autres Caméflex en bronze ne surgissent pour saluer un travail que nous considérons d’excellence.
Les étapes de la création puis fabrication du trophée